mardi 30 décembre 2014

TABLAT, LA CITE ANTIQUE

TABLAT, LA CITE ANTIQUE
                                SUR LES TRACES DE LA NAISSANCE DE TABLAT                                          
                                         

   En l’absence d’études archéologiques et anthropologiques, de documents et de références historiques qui pourraient venir exhumer le passé de la région de Tablat, l’histoire de celle-ci demeure mal cernée à ce jour.
Cependant cette histoire pourrait être reconstituée plus au moins fidèlement grâce à certaines informations glanées par-ci, par-là , localement et à partir de documents trouvés sur des sites internet et qui retracent certains faits historiques.

     Tablat selon l’étymologie populaire berbère
« Tablat est une localité du Sud-Est de Blida, dans une région qui reste encore amazighophone.
Tablat signifierait « la pierre ».Le mot « ablad » est utilisé dans le kabyle de l’Est de la Kabylie pour « pierre », alors qu’il est utilisé dans l’Ouest dans sa forme féminine « Tablat » pour désigner «carreau de carrelage ».Quand au kabyle parlé dans la wilaya de Blida, je crois qu’ il signifierait plutôt «  pierre ». Autour de Tablat et de Hammam Melouane, il existe beaucoup de villages kabylophones amazighs :Kef Tidjildjelt,Tiberguent,Agu n Nnda, Djebel  Adoumez,…www.kabyle.com
   Tablat , chef-lieu d’une marche militaire  de la Maurétanie césarienne
         Passons maintenant pour voir la définition de Tablat faite par l’historien « Mac Carthy » dans son livre « Géographie physique ,économique et politique de l’Algerie »  publié en 1858.
Dans la page 353, on lit :
« Tablat, l’ancienne Tablata, chef-lieu d’une marche militaire, sous les Romains , au cinquième siècle, près de l’Isseur,sur la route d'Auzia (Aumale) à Icosium (Alger). »
Site romain de Taguerboust Cne de TablatRuines romaines du site de Taguerboust Cne de TablatRuines du site romain de Taguerboust Cne de Tablat
اثار الموقع الروماني بتقربوست تابلاط
   INDICES PERMETTANT DE RENFORCER CETTE DEFINITION :
 
1)    Le Pr L.Leshi pense qu’une route romaine venant de la montagne ( des traces en  subsistent dans la région de Tablat )  débouchait en plaine vers Rovigo, et de là, gagnait Rusguniae dont les relations étroites avec Aumale, d’une part, et le Chélif d’autre part sont attestées par l’épigraphe.Cette route devait passer non loin de Sidi Moussa…
2)CVI   TABLA
TABLA appartenait à la Maurétanie césarienne comme nous l’apprenons de la notice.Il y avait une Ville frontière nommée TABLATA, et citée par la notice de l’Empire : «  Géographie de l’Afrique chrétienne. » Par Mgr Toulotte , Anatole (1852-1907)
3)SEPTIMINICIA,( Géog. Anc.) ville de l’Afrique propre : elle est marquée d’Antonin, sur la route d’Assurae à Thenoe, entre Madassuma & Tablata , à vingt-cinq milles dans l’itinéraire du premier de ces lieux , & à vingt milles du second ; c’était un siège épiscopal.(D.J.)
4)Praepositus limitis Tablatensis.-
TABLATENSIS .a  TAMATA Oppido. TABLATA legit Itenerariu. Vbl niansiocurfus publici 1Suit...
5)L'Afrique chrétienne: Évêchés & ruines antiques d'après les manuscrits de Mgr Toulotte, et les découvertes archéologiques les plus récentes
J. MesnageAnatole Toulotte
E. Leroux, 1912
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6)rapidum.jpg
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Conclusion :
L'appellation "Tablata", "Tablat" dérive du romain "Tablatensis" qui signifie "marche militaire, "casernement" ou " camp romain".
Les Maures ( Les bèrbères de l'Afrique du nord, sous domination romaine) utilisaient la dénomination "Tavlast" qui dérive du romain "Tablatensis" et signifiant "casernement", "marche militaire"...
Tablata (ville romaine) a donné Tavlast ou Tavlat (amazigh) qui a donné à son tour "Tablat (appellation actuelle).
 Voici à quoi ressemblait "Tablat ou "Tablata" sous la domination romaine (Texte+ illustration                                           
Le camp romain ou la marche militaire
L'armée romaine était très organisée : Le camp possédait une forme immuable,l'ordre de marche s'adaptait à l'environnement (hostile ou neutre) et les tactiques pour les sièges étaient très efficaces.
1) Le CAMP ROMAIN
Le camp romain était installé chaque nuit, son installation était rapide (2 heures).On organisait le camp à la méthode des augures.Le camp était constitué de :
- le principia (le quartier général)
- le praetorium (habitation du général)
- 2 voies : la via principalis et la via praetoria
- 4 portes : porta praetoria, porta principalis dextra, porta principalis sinistra et prota decumana
- un fossé et le remblai.

.......
Lorsque le camp était là pour une plus grande durée, on construisait de meilleures fortifications.
2) L’ARMEE EN MARCHE
L’ordre de marche se divisait en plusieurs parties :
2.1) si aucun danger n’était à craindre,
2.2) en cas de danger :
 a) Iter expeditum :  - en progression 
    - en retraite 
 b) Iter quadratum 
 c) à proximité de l’ennemi.
3). LES TRAVAUX DE SIEGE
Il y a plusieurs techniques de sièges :
- l’obsidio : un blocus : le but est de couper les vivres aux assiégés 
- l’oppugnatio repentina : est une attaque subite, soudaine 
- l’oppugnatio longinqua : est lent et de longue durée (= siège en règle).
LE CAMP, UN BIVOUAC FORTIFIE :

Le camp est construit chaque soir à l'étape. Il sera plus soigneusement organisé lorsque l'armée y passera tout l'hiver. Le camp peut même devenir permanent, en fonction des événements. Autour du camp se forment alors des agglomérations urbaines. Les caractéristiques du camp restent toujours les mêmes. Il est en hauteur, à proximité d'un point d'eau, de fourrages et de prairies. Les officiers et les augures choisissent d'abord l'emplacement, d'après les indications du général, puis un augure trace l'enceinte correspondant au temple céleste : 2 grandes lignes perpendiculaires sont tracées (ces rites sont semblables à ceux de la fondation d'une ville), dans l'intervalle desquelles les troupes dressent les tentes. Ensuite, tous les soldats, alignés côte à côte sur les limites extérieures du camp, creusaient un fossé, rejetant la terre pour former un talus d'une hauteur égale à la profondeur du fossé. Sur ce rempart était disposée une palissade de pieux ou de claies tressées, parfois munie de créneaux. Les 2 grandes lignes aboutissent à 4 portes: la porta praetoria du côté de l'ennemi; la porta decumana à l'opposé; à droite et à gauche, la portadextra et la porta sinistra. Des voies secondaires, se coupant également à angle droit, subdivisaient les quatre grands secteurs. Non loin de la porta praetoria était placé le praetorium, la tente du général, devant laquelle les aigles étaient fichées en terre; autour étaient le forum, ou place de rassemblement, et le quaestorium, trésor et magasin. Derrière se trouvaient l'autel et les tentes des officiers supérieurs, lieutenants et tribuns. Puis les légions, au centre, les auxiliaires, tout autour, campaient, alignés en six rangs perpendiculaires à la voie principale, qui menait de la porte de droite à la porte de gauche. Le forum, le tribunal et les baraquements sont toujours rigoureusement installés à la même place, afin de permettre l'organisation rapide du camp à chaque étape. Dans les tentes, groupées en rectangles allongés, les hommes conservent leur ordre de bataille. Un camp de légion occupe 45 hectares (environ 550 m par 800 m). Tout autour du camp, entre le retranchement et les tentes des troupes, était laissé un vaste espace libre mettant les tentes à l'abri des traits ennemis et permettant une circulation sur les quatre faces en cas d'attaque. En dehors de chacune des quatre portes, des corps de gardes assuraient la surveillance et la protection du camp. Telle était la disposition générale du camp romain, qui devait constituer à la fois un refuge sûr en cas d'attaque ennemie et une base solide pour une offensive, ou pour une retraite. Les familles des légionnaires pouvaient y habiter, et les habitants de la région venaient souvent s'installer à proximité pour faire du commerce ou chercher protection.
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Le camp romain, un bivouac fortifié 

NAISSANCE D'UNE VILLE SUR LE LIEU DU CAMP ROMAIN
-La présence d'une fontaine d'eau romaine à Tala R'Zag avec plusieurs canalisations, des postes romains d'observation sur les hauteurs des montagnes qui cernent le casernement, l'existence des traces de la civilisation romaine dans la zone comprise entre Taguerboust, Guerrouma,Rasfa,Ouled Saci (Aïn romaine)...témoignent que les Romains avaient vécu dans la région de Tablat.Dans les lieux cités précédemment, on trouve un ksar, un cimetière, des blocs, des ruines, des restes de colonnes...Même en retournant le sol, les paysans de ces territoires découvrent encore des pièces de monnaie, des pierres portant des écritures, des dalles, des poteries...raf-3.jpg
-A Om D'Heb, terrain situé sur la rive gauche de "Oued Isser" et non loin du douar El Babda, il y a un site romain, site où l'on peut apercevoir plusieurs dalles de tailles grandes, éparpillées un peu partout et sur une immense superficie.
-Des inscriptions sont, aussi, signalées.En retournant le sol, les fellahs (habitant El Babda,Nouawra,Snaïssia) tombent sur des objets datant de l'époque romaine.On a même trouvé des meules de moulins, une charrue munie des socs...
-"DEUX PETITS TOURISTES EN ALGERIE" est le titre d'un livre édité en 1888 et dont l'auteur est Gaston Bonnefont.Dans la page 70 de ce livre, nous lisons:
"A cinq heures du soir, ils étaient à Tablât, dont l'antiquité est constatée par des inscriptions romaines encore lisibles sur les vestiges de quelques monuments.
A Tablât, autrefois Tablata, les auberges ne manquent pas.La ville n'a que 160 habitants mais la civilisation y a pénétré sous toutes ses formes.On peut y dîner à l'européenne et un tailleur français se charge d'y habiller ses clients aux dernières modes parisiennes... d'il y a dix ans".
-A signaler, en outre, que dans le livre de Seston William intitulé " Le MONASTERE D'AIN TAMADA ET LES ORIGINES DE L'ARCHITECTURE MONASTIQUE EN AFRIQUE DU NORD", on lit dans la page 930 et suiv. dans la liste des évêques que "Quodvultdcus Tablensis" pourrait être l'évêque de Tablat, ville située au nord de RAPIDUM(Sor Djouab devenu par la suite une cité).
 L'antique Tablata
1-D'après les indications mentionnées ci-dessus, on pourra confirmer qu'une ville avait, bien et bel, été née sur le camp et qui fut nommée "Tablata", Tavlast, Tablat" et qui fut engloutie sous l'effet de phénomènes naturels tels les séismes quelques siècles après sa fondation.
2-Tout autour de Tablat, s'étaient formées, jadis, des agglomérations à Rasfa,Takerboust,El Babda...
Remarque: L'étude de l'itinéraire d'Antonin révèle l'existence de plusieurs villes aujourd'hui disparues.Tablat n'est donc que l'un de ces exemples de villes dont on parle.
De La Mauritanie à l'Andalosie
1-Domination vandale (429-533)
En 428,Genséric devenu roi, conduit les Vandales en Afrique du Nord.Un vaste territoire de la Maurétanie césarienne fut conquis au V siècle.Les Byzantins chassèrent les Vandales en 533 et reconquirent la partie orientale du pays.
2-La conquête arabe (647)
Les Arabes arrivèrent en 647 et leur conquête fut achevée en 711. Au VIII siècle, l'Afrique du Nord devint une 1-balochi-yalghar-azhar-abbas.jpgprovince omayad.
Signalons ici, mais pour mémoire seulement en laissant aux historiens de confirmer ou d'infirmer la déduction suivante : il existe dans la province de Séville(  إشبيليا) en Andalousie une ville nommée "Tablata" qui fut fondée par les Sarrassins (Les Sarrassins étaient, en réalité, des Maures) ce qui laisserait supposer que lors de la conquête de l'Espagne en 711 par l'armée bèrbère, un grand nombre des Maures de Tablat ou Tablata faisait partie de cette armée envoyée par le Gouverneur arabe de l'Afrique du Nord pour le compte du calif de Damas.Cette armée était dirigée par Tarik Ibn Ziyad.Quand Séville fut conquise,ces Maures, venus d'Algerie et plus précisement de Tablat ,fondèrent dans cette province une ville et la bâptisèrent "Tablata" afin de remémorer le lien qu'ils avaient avec leur pays natal.                                                           
                         Abdelkader Lakhdari, administrateur du site

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Une enfance montagnarde sous les bombes

Une enfance montagnarde sous les bombes
Publié le 24-06-2013
L'EST
REPUBLICAIN

La Temesguida,une enfance dans la guerre d'Algerie
L’auteur témoin, Aïssa Touati est né en 1945 dans le massif de Temesguida. Il raconte, sous la plume de Régis Guyotat, ancien journaliste au journal le Monde, son enfance et la vie de sa famille durant la guerre. Il a neuf ans. C’est un berger qui doit garder les chèvres, sans être jamais à l’école, mangeant rarement à sa faim. Après l’indépendance, il émigre en France où il travaille comme ouvrier du bâtiment et prend des cours d’alphabétisation à Orléans ; cours dispensés par régis guyotat avec lequel il noue une longue amitié. «Temesguida. Une enfance dans la guerre d’Algérie» un lieu, un âge, une guerre. Temesguida (Temesguida?) est un massif montagneux dans l’actuelle wilaya de Médéa, sur l’Atlas blidéen. Depuis son sommet s’élevant à 1 138m, Temesguida domine vers le nord la plaine de la Mitidja. Légendes, récits hagiographiques le donnent comme un refuge de saints patrons et, jusqu’à une époque récente, c’est une région où de nombreux Kabyles se sont installés comme vanniers tant la région regorge d’eau et de roseaux. Mais la Temesguida, dans ce récit, c’est le bastion quasi mythique de la résistance armée de l’ALN aux contingents de l’armée française qui ont maillé cette région tampon, stratégique, entre l’Atlas blidéen, le Djurdjura et les plaines de l’Algérois. Ses reliefs accidentés, ses grottes, sa végétation drue, ses replats en font une zone de repli en même temps qu’un refuge stratégique pour les katibas de l’ALN. Tout le récit s’y déroule en trois temps : avant l’arrivée de la guerre, moudjahiddine et soldats confondus, ses habitants vivaient dans une relative sécurité mais dans une extrême pauvreté, celle du sol et de la subsistance. La guerre, alors, était menée au quotidien contre les éléments de la nature : des hivers rigoureux, des étés caniculaires, un sol accidenté, ingrat, un cheptel maigre. Bref, la famine ! Une vie sauvage, insulaire même si de loin en loin, l’ordre colonial se signale par les nouvelles rapportées par ceux, rares, qui descendent au marché de Tablat. Puis, le deuxième temps, avec le déferlement de la guerre, Temesguida entre violemment dans l’histoire. Le massif montagneux est maillé par les militaires français, des routes ouvertes au bulldozer, comme des serpents, le ceinturent, étranglent les villages et les mettent à nu, à découvert. Mais la topographie des lieux offre encore aux combattants de l’ALN de la wilaya IV un terrain propice aux ripostes et à l’instauration perpétuelle d’un climat d’insécurité sur l’étendue de la plaine de la Mitidja, le symbole de la conquête coloniale. Entre ce lieu resté imprenable, inviolable et la Mitidja domestiquée, où s’étendent d’aise les fermes opulentes des héritiers de Bugeaud, le contraste n’est pas dans le relief mais bien dans le rapport de force entre les laissés-pour-compte, l’indigène dépossédé, et une présence française qui grignote les contreforts de la Tamesguida jusqu’à installer ses miradors en son sommet. Le troisième temps, enfin, c’est l’exode, les villages de regroupement, Alger, Rivet (Meftah) au bout, une indépendance avec ses martyrs de la Temesguida oubliée. Une histoire de berger Ce cadre géographique et historique ainsi posé ne se donne pas à lire comme tel dans ce récit d’une enfance, celle du narrateur témoin, un enfant berger, on aurait dit sorti d’un roman de Giono, à la différence que la nature n’est pas un culte, une vénération, mais une condition humaine à la limite d’un Robinson Crusoé qui n’a pas échoué sur une île mais qui y est né tout en sachant que le monde qui l’entoure n’est pas à sa portée, ni n’est une fatalité. Cette enfance est celle de Aïssa Touati qui raconte son vécu âpre et «sauvage» dans ce massif imposant avant de rejoindre son père à Alger, à Belcourt et, de là, élire domicile dans un torchis, à Rivet (actuelle Meftah) jusqu’à l’indépendance. Dans ce récit, linéaire, écrit à la première personne, l’enfance n’est pas évoquée dans un passé nostalgique, larmoyant, voire, à posteriori, enjolivée par l’effet du recul du temps, mais elle est dite dans un présent de narration, sans gloire ni passion, dans ses vérités immanentes, ses pulsions du moment. Le lecteur se surprend à se familiariser avec un garçonnet qui n’est ni un Omar de Mohamed Dib, encore moins un Fouroulou de Mouloud Feraoun, formatés pour les besoins de la fiction. L’enfant Aïssa Touati est né, dans ce village à flanc de ravins, Ouled Seddik, au milieu d’une famille soumise à une extrême pauvreté. un père chasseur à l’occasion, une mère comme toutes les mères d’Algérie, à cette époque de la fin des années 1940, qui redouble d’ingéniosité pour nourrir ses enfants – deux autres fils dont l’aîné Ramdane, qui sous-tend le récit dans son versant historique, une fille effacée, un autre garçonnet, le benjamin – les nourrir de contes la nuit pour leur faire oublier la faim qui tenaille les ventres. Enfant, Aïssa tient plus que tout à son maigre troupeau composé de quelques moutons, de chèvres et d’un âne homérique. Toute la montagne lui appartient. Il en connaît les grottes, les méplats, les deux-bassins, les rivières, les animaux qui y vivent, luttant contre les chacals dont il a appris l’espièglerie et les sangliers qui ravagent les maigres jardins potagers. Sa guerre à lui, de l’aube à la tombée de la nuit, hiver comme été, est de protéger quoi qu’il en coûte le troupeau, la seule richesse de la famille. Dans les quelques hameaux disséminés autour de Ouled Seddik vivent des êtres infrahumains, enfouis, bêtes et gens mêlés, dans les replis de ravins qui donneraient le vertige aux chèvres les plus intrépides. Le père de Aïssa a pourtant un joyau qu’il n’hésite pas à exhiber, une montre en or, un fusil et des relations somme toutes surprenantes avec la lointaine administration coloniale de Tablat par ses représentants locaux de l’indigénat. Aïssa est un enfant maigre, sale, qui va pieds nus en été, à peine chaussé en hiver d’espadrilles confectionnés à partir de pneus de voiture, un luxe. La faim, toujours la faim, est son ennemi au quotidien. Quelques enfants du village et des environs immédiats de la Temesguida ne sont pas mieux lotis. Ils forcent pourtant le destin pour trouver sur ce piton de montagne le génie de l’invention des jeux et des soleils intimes accrochés, l’automne venant, à une maigre mais salvatrice récolte d’olives, l’été cuisant, aux figues mûres, vite mises sur les claies en prévision de l’hiver. Le récit, on aurait dit, est lui-même condamné aux frontières accidentées de cette montagne ancestrale sur laquelle, dit-on, veille, le Saint patron, Si Mohamed Bouchakour, dans sa grotte « Ghar Targou » dans la région des Beni Foughal. Mais le saint n’a rien pu faire devant ces monstres de fer venus un matin défoncer la terre, ouvrir des routes à l’occupant de la plaine. Le jeune Touati pressent le danger mais en ignore les tenants et les aboutissants. Le berger dans l’histoire Graduellement, son monde familier s’effrite. La montagne est secouée de ses contreforts à son sommet. La guerre n’est plus celle du jeune berger affrontant les éléments de la nature, esquivant la faim, luttant avec pathétisme aux rigueurs de sa montagne natale mais ingrate. La guerre, si elle a été un acharnement opiniâtre et séculaire à perpétuer un lien ombilical avec la terre. Le village et ses lendemains incertains, devient une guerre qui donne du sens à cette survivance et se projette hors de l’instinct de survie. Temesguida n’est plus alors pour l’enfant, qui grandit surtout dans sa tête, l’univers reclus prédestiné aux « damnés de la terre » mais une déflagration d’un nouveau monde qui surgit de la volonté des hommes et des femmes qui participent, désormais, à la marche de l’histoire. Aïssa comprend alors qu’il habite les sommets de la résistance à l’occupation coloniale. Pourtant, il ignore tout de la France, de l’Algérie, de l’histoire de ces deux pays, d’autres pays. Il ne va pas à l’école, il porte une gandoura élimé, sans sous vêtement, fait ses besoins où bon lui semble, se frotte l’arrière-train avec des cailloux ou sur l’herbe sauvage. Comment un tel « sauvage » peut-il seulement être à l’écoute des palpitations du monde ? Il n’a jamais vu un « Français » de près. Pourtant, la guerre, celle des armes, va le toucher au cœur même de sa famille. Le frère aîné, Ramdane, un jour, est revenu blessé d’une balle à la cuisse, après plusieurs jours passés cachés dans une grotte, à quelques mètres en dessous d’une crête occupée par les militaires français. Cette nuit-là, quelque chose s’est brisée dans le regard de Aïssa. Ce frère aîné sur lequel tous les espoirs familiaux reposent, espoir de jours meilleurs pour la mère, est devenu un « moudjahid ». Son ami, Ali, devenu le mes’oul de la résistance à Oueld Seddik, tient un nouveau langage, des mots jusque-là étrangers à Temesguida où les rapports de force demeuraient ceux dictés par la survivance aux lois de la nature. Cette fois, il s’agit de solidarité, d’union, de sacrifices, de cotisations, de dons, de caches, d’organisations. Le jour où les premières colonnes de moudjahiddine sont arrivées au village, avec son frère Ramdane accueillis par Ali, Aïssa résiste au sacrifice de ses moutons qui sont sa raison d’être. Le troupeau vaut plus que toute autre guerre. La famille n’aura plus rien à manger. Au nom de quoi et pour quelle cause ? Mais Ali, l’ami d’enfance de son frère et la dignité des hommes qui attendent, épuisés par une longue marche, affamés, que la pâte des galettes lève, souriant et respectueux, subjuguent l’enfant Aïssa voyant sa mère retrouver son énergie devant ces hommes inconnus jusque-là de Temesguida. Mais l’enfant qui grandit bon an mal an n’en démord pas. Son troupeau, sa lutte quotidienne pour la subsistance alimentaire, ses errances de berger intrépide ignorent le cours de l’histoire. Jusqu’au jour funeste où son père décide d’aller se réfugier à Alger où il devient marchand ambulant pour subvenir aux besoins urgents de sa famille restée à Oueld Seddik. Ruines et exodes Le frère aîné est au maquis. Il n’a plus donné signe de vie parmi les katibas de l’ALN qui passent par la montagne. Aïssa a douze ans et ses épaules sont encore trop frêles pour porter le fardeau familial. Il faut alors redoubler d’ingéniosité dans un climat d’insécurité de plus en plus menaçant. Les ratissages de l’armée française ne laissent aucun répit aux paysans qui deviennent des fellaghas potentiels ou réels. Des arrestations, des tueries à vue ; les harkis souillent Temesguida. Mais tout ce que le pré-adolescent Aïssa a vécu jusque-là n’est rien. Il a le cran de mener paître son troupeau sous les avions mouchards qui déversent du ciel des monstres, braver un barrage militaire. Mais, depuis que la guerre a le visage de son frère aîné, il prend conscience de manière implicite qu’il n’a d’autres choix que de se mettre sur les pas de ce frère aîné. Un « nif » familial qui s’élargira en honneur de tout un pays, y compris celui de la France. Car, étrangement, Aïssa n’a jamais entendu Ramdane, son frère aîné, moudjahid, insulter la France ou encore Ali au plus fort de la tragédie. Il parle d’organisation, de stratégies, de sacrifices, de combats, de solidarités dans les rangs. 1957. Temesguida est déclarée zone interdite. Le village est évacué. Bêtes et gens. Aïssa et les siens n’ont même pas le droit au village de cantonnement, au statut de réfugiés. Ils trouvent refuge dans une famille éloignée dans un village limitrophe. Aïssa réussit à retrouver son troupeau, surtout les chèvres plus alertes au danger. Mais, un matin, une épaisse fumée s’élève de Ouled Seddik, bombardée par l’armée. Ruine et désolation. Aïssa, au mépris du danger, revient à Ouled Seddik devenu un amoncellement de cendres. Il y retrouve son âne blessé. Il le soigne en saupoudrant ses blessures de café moulu comme il a vu sa mère soigner ses propres écorchures avec le même produit. Ali, le mes’oul est là, intangible. Il insiste auprès de Aïssa pour que sa famille revienne au village natal pour perpétuer les coutumes ancestrales, ne pas perdre le pieu au mépris du danger. La famille tente un retour mais les cendres et l’écroulement physique et symbolique de la demeure sont plus forts. Le frère aîné Ramdane est loin, peut-être en Tunisie, parmi les cadres de la révolution partis en stage pour mieux lutter contre l’ennemi. C’est alors l’exode, la mort dans l’âme, dans une capitale, Alger, elle aussi, meurtrie, quadrillée par Bigeard. La famille rejoint le père à Belcourt. Aïssa quitte Temesguida, prend le bus pour la première fois, découvre la ville effarouché, troque sa gandoura contre un pantalon, enlève sa chechia rouge. Il a une quinzaine d’années. C’est un adolescent, vif, méthodique au travail, frondeur. Il est embauché comme khammes dans les fermes coloniales à une quarantaine de kilomètres à l’Est de la capitale mais la misère le talonne. A Alger, les bidonvilles indigènes croissent comme des champignons vénéneux. Toute la famille élit domicile à Rivet (Meftah) dans un autre bidonville. Là, Aïssa assiste à des exécutions massives de prisonniers algériens exécutés en public pour le spectacle desquelles on a fait venir la population du bidonville au prétexte d’une distribution de denrées alimentaires. Fait ubuesque, il participe à un match de foot opposant une équipe algérienne dont il est, arborant une tenue aux couleurs du drapeau algérien, à une équipe composée d’appelés du contingent. le match terminé, les joueurs algériens, maquisards ou mes’oul sont arrêtés, torturés ou fusillés. Temesguida et le nouveau monde… Le cessez-le-feu et la liesse de l’indépendance ne terminent pas le récit comme en une apothéose ; car les nouvelles du frère aîné, Ramdane, arrivent ainsi que celles de son ami intime Ali, le mes’oul impénitent de Ouled Seddik. Elles viennent gâcher la fête. ils sont morts en 1960 à la veille de l’indépendance. Vingt ans ne sont pas écoulés que, dans ce bastion de l’épopée du jeune berger et des autres bergers de la résistance armée, un sinistre Bouyali, des premiers maquis du GIA fait couler le sang fratricide à Temesguida et, quelques années de plus, les moines de Tibhirine, enlevés aux pieds de Temesguida sont égorgés dans les maquis de Tablat. Aïssa Touati raconte ces revers de l’histoire sous la plume concise, alerte et fidèle aux réalités jamais tronquées de Régis Guyotat, un ancien journaliste du monde qui a rencontré Aïssa Touati alors émigré en France, à Orléans, lors des cours d’alphabétisation. Depuis, leur amitié scellée a donné naissance à ce témoignage bouleversant, le premier du genre qui n’est ni héroïque, ni polémiste. Un récit nu, poignant, humain. Il est préfacé par le frère de régis, Pierre Guyotat, appelé du contingent, « soldat récalcitrant » qui a connu l’Algérie et donné la main fraternelle pour son indépendance. « Temesguida. une enfance dans la guerre d’Algérie » est édité dans la collection « Témoins » dirigée par l’historien Pierre Nora auteur de «Les Français d’Algérie» qui vient d’être réédité cinquante ans après sa première publication, en 1961, chez le même éditeur, Christian Bourgois.
Rachid Mokhtari

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LA DEMEURE DE L'EMIR ABDELKADER


Actuellement Musée National des Arts et Traditions Populaires , La maison de l'Emir Abdelkader constitue l'un des repères historiques et culturels et l'une des merveilles architecturales que compte la Wilaya de Médéa. Cette maison qui a été construite par Le Bey du Beylek du Titteri Mustapha Boumezrag,entre 1819 et 1829, ressemble dans une large mesure aux palais ottomans de la Casbah d'Alger. Aujourd'hui,elle se retrouve dans la vielle ville de Médéa, au Sud de Bab El Akouas. De nombreuses infrastructures rattachées à la résidence du Bey Boumezrag ont été également réalisées, à l'exemple de la mosquée Malekite, mitoyenne de la maison de l'Emir et qui sont reliées par une galerie que le Bey empruntait avec sa suite pour se rendre à la mosquée en vue d'accomplir la prière. En 1835,l'Emir Abdelkader a utilisé cette bâtisse comme siège politique et comme Etat Major. Cette maison a également abrité d'importantes rencontres dans le cadre de la préparation du traité de la Tafna, de même qu'elle a servi d'atelier pour la fabrication d'armes.


Suite à l'occupation de Médéa, l'armée française s'est emparée de la maison de l'Emir Abdelkader qui a servi depuis,de siège au gouverneur militaire français. Durant l'époque française,la bâtisse a subi des modifications qui ont concerné  son style architectural original,donnant à son aile sud un cachet architectural beaucoup plus européen. La superficie de la maison de l'Emir est estimée à 880m_. Elle comprend deux cours extérieures, l'une du côté nord et l'autre du côté est. Ayant un cachet purement Arabo - Turc, elle se com pose de deux niveaux,le premier au rez-de-chaussée,renferme des couloirs intérieurs dotés des deux côtés, d'arcades d'une hauteur moyenne ainsi que des galeries assorties de portes donnant sur les ailes des deux niveaux. L'architecture de la demeure l'Emir Abdelkader ou plutôt Dar Mustapha Boumezrag, est inspirée des constructions méditerranéennes, notamment dans ses compartiments intérieurs tellles que la cour et les chambres. Dans sa construction, Il a également été tenu compte de l'épaisseur des murs pour qu'ils puissent supporter le poids des toitures qui sont habituellement revêtues de coupoles.Quant à la matière ayant servie à sa construction,elle se compose essentiellement de pierres et de briques chinoises mélangées à la chaux et au sable. La maison de l'Emir comprend des objets d'art rarissimes, telles que l'horloge solaire accrochée sur la façade sud de la maison,les colonnes en bois qui sont les messagers de son passé glorieux à l'adresse de son présent radieux. Ce chef d'œuvre architectural résume le passé  et raconte les faits et leurs impacts dans les détails, de son architecture en tenant à préserver jalousement le cachet authentique de sa création . Elle reçoit aujourd'hui les bras ouverts, tous ceux qui souhaiteraient méditer la splendeur de sa conception et écouter avec intérêt l'histoire et les actes héroïques de ceux qui ont vécu entre ses murs,d'autant plus qu'elle se trouve dans la vielle ville où la nostalgie du passé se mélange aux secrets de ses ruelles. Sur les hauteurs de la ville, se trouve le domaine du Bey qui a été
construit en 1920 et qui est l'une des dépendances de la résidence du Bey Mustapha Boumezrag. Ce domaine constituait la résidence d'été et les lieux de repos du Bey, au milieu d'une nature merveilleuse et de jardins paradisiaques.Le domaine du Bey se compose de deux parties, l'une réservée au Bey en personne et l'autre au reste des citoyens. Le domaine du Bey est une fierté faisant partie de l'héritage de l'époque ottomane à Médéa ainsi qu'un modèle des jardins somptueux,attestant de la prospérité du dernier Bey du Titterie Mustapha Boumezrag. Cette image est une preuve indéniable sur la richesse du patrimoine urbanistique avec toutes ses facettes héritées de l'époque turque par Médéa et sur ses potentialités culturelles et touristiques diverses que le visiteur est loin de pouvoir imaginer.

Le débarquement anglo-américain en Algérie du 8 novembre 1942

La deuxième guerre mondiale était à sa quatrième année et l’Allemagne d’Adolf Hitler dominait l’Europe presque tout entière. Une partie de la France était occupée par l’armée allemande, l’autre partie, le sud de la France et les territoires de l’Algérie colonisée sont sous le régime de Vichy du maréchal Pétain, alliés au régime nazi d’Adolf Hitler. L’Algérie en particulier et l’Afrique du nord en général étaient des territoires très importants du point de vue stratégique. Le choix de l’Afrique du Nord comme tremplin de l’offensive alliée contre l’Europe asservie par les Nazis, montre l’importance géostratégique des territoires nord-africains.

Le 7 décembre 1941, les États-Unis entrent en guerre et le conflit devient effectivement planétaire.
Les Américains et les Anglais cherchent à frapper l’Allemagne nazie de la façon la plus directe possible et tentent une grande opération militaire sur les cotes Algériennes. La décision est prise en décembre 1941 par Churchill et Roosevelt de tenter en 1942 une opération d’envergure contre l’Allemagne, sous le code « Opération Torch ». Le 25 juillet 1942, la décision est définitivement prise de débarquer en Afrique du nord et notamment en Algérie avant la fin de l’année. Le Général Eisenhower reçoit d’Alger des informations sur un groupe d’officiers français pro-alliés souhaitant entrer en contact avec les Anglo-américains.
Une mission secrète est envoyée par sous-marin avec débarquement en kayacs près d’une ferme de Cherchell le 19 octobre 1942 dans une localité (Messelmoun) située à environ 50 km à l’est de Cherchell. C’est une expédition menée par le chef d’état-major américain, le major-général Mark Wayne Clark. Le 21 octobre 1942, le contact est établi avec le consul des USA à Alger, Ridgeway Knight. Trois forces d’intervention ou «Task-forces» vont converger vers l’Algérie. La «Central-Naval Task-forces» de l’Amiral Troubridge a pour objectif Oran et convoie uniquement des troupes de l’US Army pour un total de 39.000 hommes. La «Royal Navy» Britannique abordera Alger et ses alentours.
Trois débarquements étaient prévus sur l’Algérois: Le groupe « Charlie » devait débarquer à l’est du Cap Matifou, actuel Tamentefoust, le groupe « Beer » entre Sidi-féruch et le Cap Caxine (non loin de Bainem) et le groupe « Apple » à l’est de Castiglione, actuel Bousmail. Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942 Alger fut réveillée par le bruit d’une canonnade et on vit au loin des éclairs illuminer le ciel; c’était «l’opération Torch » qui commençait. Réveillés par un bruit bizarre, les habitants d’Alger entendent un bourdonnement continu qui venait de la mer. Ce bruit inquiétant se rapprochait, et quand le jour commençait à se lever, ils aperçurent des centaines de bateaux avancer vers le port et le littoral avoisinant; chaque navire avait au-dessus de lui un ballon dirigeable accroché par des câbles et destiné à protéger l’embarcation contre les bombardements de l’aviation allemande. Radio Alger apprend à la population qu’un débarquement américain est en cours.
Commença alors les hostilités par des tirs d’obus d’un bateau de guerre américain en direction de l’ambassade allemande, ornée d’un drapeau à croix gammées, située à la villa Susini du Clos Salembier (actuel El Madania) sur la colline surplombant le quartier du Hamma. L’artillerie défendant l’ambassade riposta et toucha le bateau ; ce dernier prend feu et des fumées noires s’élèvent et entachent le ciel bleu d’Alger. Un avion anglais survole le port et lâche trois bombes sur un sous-marin français et le détruit.
Après deux jours de ces combats contre les libérateurs, le calme revient. Les alliés consolident leur débarquement à Alger. Cette opération militaire, menée du 8 au 11 novembre 1942 en Algérie, a permis aux Alliés de prendre pied sur le sol africain et ainsi d’ouvrir un deuxième front, pour contrer les forces de l’axe (l’Allemagne, l’Italie et le Japon). Ce débarquement marque un tournant dans la Seconde Guerre mondiale sur le front occidental, conjointement avec les victoires britannique d’El Alamein, en Libye, et soviétique de Stalingrad. Dans le cadre de «l’opération Torch», de nombreux Algériens furent engagés dans les forces alliées au sein de l’armée française de la libération et engagés sur les fronts italiens et français.
Entre 1942 et 1943, les effectifs mobilisés en Algérie s’élèvent sur la période à 304.000 Algériens (dont 134.000 «musulmans», et 170.000 « européens ») Ils sont engagés en Tunisie de novembre 1942 à mai 1943, en Italie de novembre 1943 à juillet 1944, et enfin en France et en Allemagne d’août 1944 à juin 1945. Nous trouvons, parmi eux, les chefs historiques de la Révolution Algérienne tels que Ahmed Ben Bella, Mohammed Boudiaf, Mostefa Ben Boulaid, et Krim Belkacem.
D’autres, comme Hocine Ait-Ahmed, encore scolarisé en cette époque au Lycée de Ben Aknoun (actuel El Mokrani) mais imprégné des valeurs de liberté, d’un éveil politique précoce et d’un esprit d’indépendance, crée avec ses compagnons une section politique estudiantine liée au mouvement national à travers le parti du PPA à Alger, dans la région de Michelet (actuel Ain El Hammam), et aussi à Miliana entre 1943 et 1944 ou il séjournera pendant une année pour assurer sa scolarité, suite à la fermeture du Lycée de Ben Aknoun transformé en caserne afin de recevoir les soldats anglo-américains.
Durant son séjour dans la région du Titteri, il relèvera sur une carte, en compagnie des militants de la région, tous les chemins et points d’eau situés dans le massif montagneux de Zeddine et les alentours. Ces informations, d’ordre stratégique et logistique, serviront plus tard aux militants et Moudjahidine lors de la guerre de libération. Aussi, des animateurs du mouvement national entreprennent de reformuler leurs revendications en étant désormais plus exigeants. Après concertations avec le Parti du peuple algérien (PPA) et l’association des Ulémas, Ferhat Abbas publie « le Manifeste du peuple Algérien» le 10 février 1943. Les signataires du «Manifeste» réclamaient « Au nom du peuple algérien, la condamnation et l’abolition de la colonisation, l’application des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, la dotation de l’Algérie d’une constitution, la participation immédiate et effective des musulmans Algériens au gouvernement de leur pays et enfin la libération de tous les condamnés et internés politiques à quelque parti qu’ils appartiennent ».
Cet important document a été remis par Ferhat Abbas aux autorités américaines, à leurs alliés et même au gouverneur général d’Algérie. Les évènements des massacres du 8 mai 1945 en Algérie perpétrés par la police et l’armée françaises et la création de l’Organisation Spéciale (OS) par les militants du mouvement national en 1947, aile armée du PPA/MTLD (Parti du Peuple Algérien/Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques) et ancêtre du CRUA (Comité Révolutionnaire de l’Unité et d’Action) et du FLN (Front de Libération Nationale), sont une suite logique historique liée au débarquement des Alliés du 8 novembre 1942 .


Source :
  1. Algerieconfluence

lundi 1 décembre 2014

Aux origines des noms de famille

Le patronyme est un support de notre identité. C'est un héritage familial inaliénable. Il nous parvient du fond des âges comme une chaîne qui nous lie à un ancêtre. A cheval entre la science du langage et l'histoire, ce nom si familier à notre mémoire recèle parfois le code d'accès qui perce le secret d'énigmes séculaires.

Il arrive que les noms résistent étonnament à l'effet du temps. Pour l'exemple, nous retiendrons Aouchich, Rezzoug ou Mazigh consignés par l'historien Hérodote dans son périple africain en 405 avant l'ère chrétienne. Nous proposons dans ces lignes une petite ballade festive et sans prétention savante dans cette heureuse association historico-identitaire que le lecteur attentif complètera selon ses besoins. Du point de vue de la loi, le nom de famille est un patrimoine protégé par le code civil. Il a valeur de propriété privée. La loi permet, en effet, de modifier ou de changer de nom, mais consacre son caractère personnel. Un changement de patronyme doit obligatoirement faire l'objet d'une publicité pour vérifier l'éventualité d'une opposition puisqu'il a valeur de propriété privée inaliénable. A sa naissance, l'enfant algérien reçoit deux noms propres : le patronyme de son père et un ou plusieurs prénoms. Les parents ont le libre choix des prénoms, mais l'enfant portera obligatoirement le nom patriarcal. L'ordonnance 75-58 du 26 septembre 1975 portant code civil considère le nom et les prénoms comme un attribut de la personnalité identifiant la personne. Cette ordonnance a permis la nomination des personnes qui étaient dépourvues de nom et identifiées sous «SNP» (sans nom patronymique). Depuis la publication de cette loi, les dépositaires des registres d'état civil sont tenus de ne pas reproduire ce sigle «SNP», lors de la délivrance des copies conformes des actes d'état civil. Dans cette première partie, nous nous pencherons sur quelques noms d'origine turque.... Istanbul, Istanbul... Les liens de l'Algérie avec l'empire Ottoman apparaissent sur une multitude de noms de famille. Baba Ali désignait le fonctionnaire de la sublime porte, autrement dit «El Bab El Ali». Tout comme de nos jours, il arrive qu'une personne soit désignée du nom de l'institution qui l'emploie. Jusqu'au XIIe siècle, le mot «porte» désignait couramment, le palais impérial sous le règne ottoman. Plus tard, il a évolué pour définir les quartiers du grand vizir, siège du gouvernement à Istanbul. A partir du XIIIe siècle, ce siège ne sera connu que sous le terme de la sublime porte. Pour de nombreux chercheurs, y compris le grand spécialiste de l'Islam, Bernard Lewis, le nom «Istanbul» a été adopté en remplacement de Constantinople à sa conquête le 29 mai 1453 par Mehmed Ali. En réalité, Istanbul est une simplification phonétique du nom original «Constantinopoolis» qui s'est édulcoré dans le langage populaire en Stanpool pour se stabiliser définitivement en Stanbul et Istanbul. Les signes particuliers ont été une source assez importante dans la formation des noms propres chez les Ottomans. Ainsi, sari qui définit l'homme au teint clair, blond ou roux, va se compléter par un préfixe et devenir Bendissari, Bensari. Tobbal qu'on confond souvent avec le joueur de tambour signifie le boîteux. Dali est la qualité de l'homme particulièrement courageux face à l'ennemi, autrement dit, «le téméraire». Si on le définit comme «le fou», c'est dans le sens de guerrier intrépide. Il a donné les Bendali, les Dali Bey. Quant à Mami, il qualifie les Européens réfugiés en pays d'Islam notamment sous l'inquisition. L'homme frappé d'un défaut de langue est appelé tétah. De sobriquet, il devient un nom de famille. L'homme grand de taille est appelé ouzzou et devient Bouzzou. Sous l'empire ottoman, l'armée, pilier de la dynastie, était un grand pourvoyeur d'emplois. C'est pourquoi on constate tant de noms liés à la fonction militaire. Ainsi, Boumabadji, c'est le bombardier. Tobji ou bachtobji sont artilleurs ou canonniers. Quant à danedji ou dennane, c'est le maître des forges. Il coule les bouches de canons et les boulets des projectiles. Alemdar, tout comme Sandjak sont les porte-étendards. Raïs, c'est bien évidemment le capitaine du navire. Ghazi appartient à la caste militaire chargée de la garde des frontières de l'empire. Dans leur immense majorité, ils étaient turcs et parlant turc. Le yéni cheri qui a donné le mot janissaire signifie le «nouveau soldat». Il était reconnaissable à son grand bonnet blanc. Baltadji, c'est littéralement «l'homme à la hache». Il fait partie du corps d'armée affecté exclusivement à la garde du harem du sultan à Topkapi. Baïri est probablement un raccourci de bey raïs. La fonction juridique a donné kazi qui est une prononciation turque de Qadi. Kazi ouel et kazitani (Tlemcen) signifient «el qadi el awwal et el qadi etthani» premier et second juge. Hadji est un arrangement de hachti qui désigne le cuisinier. Il s'est largement répandu en tant que patronyme. L'officier de police se nommait Zabanti de l'arabe dhabet. Il devient patronyme en se déclinant Sabati. Zabanti survit encore sous l'appellation argotique de zbaïti, èquivalent de flic en français. D'où viens-tu ? L'origine géographique est une source importante dans la formation des patronymes. C'est une règle universelle. L'empire Ottoman avait, sous son contrôle, une mosaïque de peuples de l'Asie centrale, de l'Europe centrale, du Monde arabe et de l'Afrique du Nord à l'exception du Maroc. Le Qara-Bagh est une région du sud-ouest du Caucase. Elle donne les Karabaghli. Le suffixe «li» indique l'origine géographique. Menemen, décliné en Moumen est le chef-lieu de Kaza, dans la région d'Aïdin. Quant à la ville d'Izmir, elle a donné les Zemirli, Zemirline (Medéa, Tizi Ouzou, Alger Mostaganem), Kara signifie, le Noir. Entendons, le mat foncé. Ainsi, Karadeniz, c'est la mer Noire. Les habitants d'Albanie se nomment les Arouani. Le Kossovar donne Kosbi. Fochtali vient de Phocée. Il existe aussi les Fechtali en berbère il s'agit certainement d'une coïncidence linguistique. Khorci transcrit de plusieurs façons, indique le Corse, tout comme l'île de Rodhes a donné Rodesli. Djenoui vient de Gènova (Gênes). Venise se disait Ounis. Ses habitants se nomment Ounesli (Ounes = Venise et Li = originaire de...) Lounis et Ounissi. Il devient aussi El Ounès. Kherchi c'est le Crétois et Bouchnak, c'est le Bosniaque. Le port turc de Bodrum (ancienne Alicarnas de la haute antiquité) a tissé des liens avec la côte algérienne. C'est pourquoi on retrouve tant de Bedroni, Betroni, Bedrina, Trari, nom berbère appartient aux Trarast ; ensemble de tribus de la région du nord de Tlemcen entre la côte méditerranéenne et les monts Fellaoucen ayant Nedroma comme centre géographique. Les Traras regroupent Oulhaci, Jebbala, Msirda, Souahlya, Beni Khaled, Beni Menir, Beni Abed, Beni Warsous, et Mesahlia d'où sont, probablement, originaires les Mesli qui donneront Messali. L'Andalousie a fourni une multitude de noms. Le Galicien devient Ghennouchi. Ghennoudja, comme prénom, c'est la Galicienne toujours en vogue à Annaba et à Azzaba. Il en est de même pour l'exemple de «Olga» qu'on attribuait d'office à toutes les captives d'Europe centrale. Ce prénom slave devient Aldjia en passant par El Oldja qu'on retrouve couramment dans la littérature populaire. El Aychi et Ayachi sont les originaires de Ouadi Aych, le nom arabe de la ville de Cadix en Espagne une transposition de Ouadi Aych du Nejd, dans la péninsule arabique. Chebli, qui vient Chbilia, (Séville) et Gharnati de Grenade et Korteby de Cordoba. Le quartier El Blansa au centre de Blida indique une population originaire de Valence installée dans la nouvelle cité sous la protection de Sid Ahmed El Kebir. De même que les émigrés de Cadix vont fonder Oued Aych dans la périphérie de BLida vers 1510. Après la chute de Grenade en 1492, des musulmans et des juifs ont tenté de se maintenir en Andalousie. Ils ne quitteront définitivement leur patrie qu'après plus d'un siècle de présence dans la résistance et la clandestinité. Cette longue attente a eu des effets sur les noms. On retrouve ainsi des indicateurs d'identité dont la signification est parfois énigmatique. C'est le cas de Tchicou (El Chico), Randi, (El Grandé) Longo, le long, Gad el Maleh (Oued El Malah) . Les arts et métiers Les métiers et les arts sont une source de patronymes. Le tarzi, c'est le tailleur. Quand il est collé au préfixe «bach», il devient bachtarzi, autrement dit chef d'atelier dans l'art de la confection. Il est en lien direct avec Tellidji, le tisseur de brocard. Dans ce même corps de métier, on retrouve el kettani. Il fabrique la matière première, el kettan d'où dérive le coton. Le cordonnier se dit papoudji qui se prononce baboudji et parfois, il se dit tout simplement babou. Debbagh, c'est le tanneur et daouadji, le caravanier ou l'administrateur du caravansérail. Serkadji signifie le fabricant de vinaigre. Kateb et racim, noms prédestinés, désignent l'écrivain et l'artiste des arts graphiques. Quant à Sermadji, c'est l'industriel de la cosmétique et produits de beauté, en particulier le khôl, essentiel pour protéger la vue chez les marins et les caravaniers. Damardji s'occupe de la gestion de l'eau. Le sermadji se dit yantren et yataghen en tamazight car dérivant de iaattaren de attar. Tout comme ihaddaden désigne le forgeron et ioualalen, le potier. La guerre a aussi ses metiers, allag, en tamazight signifie le lancier et ghozzali (de ghozz) est un corps d'archers turkmènes venus à Tlemcen à l'appel de Youcef Ibn Tachfin pour renforcer la défense de la ville aux prises avec ses ennemis de l'Ouest. Dans son long poème consacré au tatoueur el ouchem, Ben El Messayeb évoque «bled er roum, bled el ghozz.» En ce qui concerne le nom «berbère» proprement dit, assez courant dans les milieux citadins (Blida, Médéa), il désigne le coiffeur en turc. On le retrouve aussi sous d'autres formes comme Barbar. Djerrah et Bachdjerrah, un mot arabe passé au turc désigne le chirurgien. Bestandji, jardinier, saboundji, savonnier, kahouadji, cafetier, halouadji, pâtissier, fnardji gardien de phare, Fekhardji, fabricant de porcelaine (équivalent d'ioualalen en berbère). Guerrache ou kerrache, c'est l'homme qui se consacre à lutte sportive. Et quand on dit mokdad il faut comprendre, évidemment, le guide. Des surnoms peuvent devenir des patronymes au point de faire oublier l'identité d'origine. Embarek est une déclinaison populaire El Moubarek. Cet homme fut un personnage illustre de Constantine originaire de Mila. D'où Embarek El Mili. Ahmed Ben Omar était nommé Cheïkh El Hadj Ahmed El Moubarek. Il est né à Constantine vers 1800 et vécu toute sa vie dans cette ville jusqu'à sa mort en 1870. Il appartenait à la confrérie des Hansalyya, implantée à Constantine par Cheïkh Ahmed Ezzouaoui. Grand savant de l'Islam. Il occupa la chaire de Djamaâ El Kebir et succèda au grand mufti Mohamed El Annabi. Il est révoqué du poste de magistrat du haut conseil par les autorités coloniales pour «intelligence avec l'ennemi» en raison des rapports secrets qu'ils entretenait avec le Bey Ahmed de Constantine. Il écrivit une quantité d'ouvrages parmi lesquels Histoire de Constantine, non publié jusqu'à ce jour. Il existerait deux exemplaires du manuscrit dans les fonds d'archives de la Bibliothèque nationale et l'ancienne Médersa d'Alger. Ruines romaines et usures phonétiques Bon nombre de noms de famille portent une marque latine sans équivoque datant de l'époque romaine. Ils se reconnaissent à la finale «us» prononcée et écrite en ouche. Maouch dérive de Marius. La chute de la voyelle médiane «r» et le suffixe ouch constituent une réhabilitation du schème berbérophone. C'est la même règle qui va transformer «Cassius» ou «Caïus» en Chaouche. Cette pratique latine ancienne qui fait terminer un nom par une finale «ouch» est encore vivace. C'est l'exemple de Mouhouch Saïtoche... On retrouve, aujourd'hui Titus conservé sous sa forme la plus latine avec une phonétique qui a gardé l'accent de l'époque antique Titous. Dans les régions est, le «t» s'est adouci en «d». Mathieu et Mathias (père de la Kahina) deviennent Maâti. Quant à Saint Paul (Paulus) apôtre de Jésus, son nom se perpétue en Ballouche et Belhouche. Aurélius devient Allouch et Ouenjelli, est une légère dérive de Evangelii autrement dit, l'homme qui enseigne les Saintes écritures. En ce qui concerne Guechtouli, il s'agit d'Augustin. Memmius est un nom tout aussi classique de la période romaine et survit sous sa forme actuelle de Mammech. Hammadouch, si commun à Béjaïa et à sa région vient de Amadeus (aimé de Dieu) prononcé amadéouch en latin. Claudius devient Gaddouch. Jerôme subsiste en Guerroum et Kherroum et Grégoire de l'époque byzantine, se retrouve après 2000 ans en Guergour et Benguergoura. Driouche dérive de Andréouch (Andréus). Certains patronymes opèrent des modifications, des «usures» jusqu'à faire perdre le sens original. C'est le cas de Abdiche qui est un nom composé. Il faut scinder les deux parties pour découvrir ave deouch autrement dit «salut à Dieu» supplantant progressivement le respectueux Ave César qui était le «bonjour» classique de l'époque antérieure à l'avènement du Christ en Afrique. Cette rébellion à l'autorité de César pouvait conduire à la peine de mort. L'arabisation d'un nom d'origine latine ou berbère se fait souvent dans le but de donner un sens et rendre compréhensible le patronyme. Nous citerons l'exemple du toponyme Oued Messelmoun qui dérive de oued Ousselmoun tirant son nom d'une écorce recherchée par les marchands phéniciens pour la teinture des cheveux et du lainage. En y ajoutant un «m» au préfixe, le toponyme prend un sens identifiable. Les divinités carthaginoises ont aussi laissé des monuments de traces dans les noms de famille : Amon et Baal se retrouvent dans Hammou, Hammani, Baali, Bellil. De cette époque punique, on hérite de Kert et Kirat, qui signifie la cité. Aussi, retrouve-t-on des Benkirat et Boukirat pour nommer le citadin. Ce qui n'a pas de lien avec El Kirat arabe équivalent au carat grec connu des bijoutiers en tant qu'unité de poids et mesure. Les noms Toponymiques Bon nombre de noms de famille sont tirés de noms de lieux (toponymie). Il se trouve que tous les noms de lieux, de villes et village, de cours d'eau, de vallées et de montagnes portent des noms berbères à quelques rares exceptions. En comparant la carte d'Algérie avec celle de l'Espagne, on constate ce paradoxe : la toponymie espagnole est nettement plus arabisée que celle d'Algérie. Parmi les synonymes de montagne en berbère, on a Adrar et Amour qui vont donner Ammouri, Amraoui, Drari et Bouzina, un pic des Aurès. Le Touat qui traverse le boulevard de la date au Sahara était une région convoitée par le passé, de par sa position stratégique sur la route du Soudan. Cette riche région a donné les Touati. Oued Draâ, dans le sud-ouest a donné les Draï tout comme Metidja a donné les Metidji. Tayebi désigne un originaire de Tayiba (la douce) qui est la cité de Médine, qualifiée ainsi par le Prophète (QSSSL) . Aggoun, Laggoun, (ne pas confondre avec le muet en arabe) sont également des toponymes qui désignent un relief. (Plateau surélevé, plateforme dominante comme la Table de Jugurtha dans la zone est des Aurès. La part de la faune et de la flore est tout aussi importante dans la formation des patronymes. Ouchen, (le chacal), Aflelou (papillon) Ouar (le lion). Kerrouche le chêne ainsi que l'une de ses variétés le zane, (déformation phonétique de dhane) recherché pour l'industrie des arcs et les flèches. Depuis la nuit des temps, le corail sert de support identificatoire ; c'est le prénom Boussad, typique de Grande Kabylie (voir encadré). Quant à Bahmane, bien que le même patronyme existe dans les contrées iraniennes, en Afrique du Nord, il désigne une racine médicinale aux propriétés stimulantes. Sur la piste des Banou HilalLe milieu du XIe siècle de J. C. a été marqué par une fracture politique significative entre les Zirides du Kairouan sous le règne d'El Moezz et le calife fatimide du Caire. En guise de représailles, le calife d'Egypte El Moustançar Billah lance sur le Maghreb les turbulentes tribus Banou Hilal et Banou Souleym. Ces vagues humaines originaires de la péninsule arabique allaient modifier durablement et structurellement les fondements sociopolitiques du Maghreb, de la Cyrénaïque au Maroc. Ibn Khaldoun consacre à cet épisode une partie essentielle dans sa volumineuse Histoire des Berbères. Guerriers redoutables, ils étaient originaires de la région de Ghazouan près de Taïf et pratiquaient la transhumance d'hiver et d'été sur les confins de l'Irak et de la Syrie. Ils émigrent dans la Haute Égypte sur la rive orientale du Nil. Au premier choc contre l'armée d'El Moezz, les Canhadja furent défaits et l'Ifriqiya livrée au partage. Ces deux grandes tribus issues des Beni Amer tirent leur légitimité de leur appartenance aux Beni Saâd d'où est originaire Halima Essaâdya, la nourrice du Prophète (QSSSL). A ces deux souches se rattachent des fractions, des clans et des familles dans une structure pyramidale. Parmi ces fractions, il y a les Djachem, les Athbedj, les Zughba (nombreux à Ouargla), les Kholt, les Sofyane, les Hamyane les Riyah, les Rabiâ et les Addi. Plusieurs familles vont se former à partir d'une fraction. Ainsi, les Riyah se divisent en Merdaci, Banou Attyya, Kerfali, Zemmam, Dhyab, Dhahhak, Hymmier. De ces familles, des figures vont émerger. Ibnou Abil Ghaïth (celui qui annonce la pluie) occupe Tunis avec son clan et perpétue son nom sous la forme actuelle de Belghiche et Belghith. De ces nombreuses tribus, nous retiendrons des noms comme Assam, Ayad (dépositaires des clés de La Kaâba) Muqaddem, Dridi, Douadi, Taâllah, Allahoum, Saâdallah, Rezkallah, Difallah, Khelfellah, Ata'illah (Ataïlyya), Brahimi, Brahmia, Benbrahim, Kerfali, Benyagoub, Abid, Aounellah d'où sont issus les Aouni, Chaffaï, El Amri, Sellami, Sakhri, Saâdani, Saïdani, Ben Cherif, Yahlali, Benhelal. Ouled Metaref (Metref) Ouled Salah (Salhi) Ouled Menia, Kraïche, Reddad, Attaf, Ouled Daoud, Ouled Ghanem, Ouled Rebbab, Ouennadi, Arif, Ouled Zian, Ouled Choaïb, Saâdi , Selmi, Slaïmi, La liste n'est pas exhaustive. Jusqu'au bouleversement colonial, ces familles et ces clans ont vécu, des siècles durant, sous le mode de production pastoral et sont restés fidèles à une sensibilité littéraire très proche des classiques arabes des temps préislamiques que recèle la poésie bédouine, en particulier. L'estampille berbère On dénombre deux formes constitutives des patronymes amazighs : maz et zagh. Il n'est pas exclu que le radical «zagh» soit relatif au teint de la peau et par conséquent à une forme de noblesse de sang. Le fondement maz va former une longue série de noms : Mazouni, Mazouna, Mazari, Mezghich, Mzali, Mezali, Mazi (Naït Mazi) Messis, Mezghenna et même Massinissa qui est un nom amazigh adapté au prononcé latin par les historiens Tite-Live (troisième décade) et Salluste (La guerre de Jugurtha). On retrouve dans Massinissa le radical maz qui peut laisser penser qu'il s'agirait à l'origine d'un nom proche de Mazghenni. Le débat reste ouvert. Ce préfixe se modifie dans les dialectes du Sud algérien pour devenir madh (Aïn Madhi). De même que le mot tamazight devient, chez les zénètes du sud, tamachek de même que l'oasis de Djanet est issue vraisemblablement de zénète. Avec le second radical zagh, on liste les Zaghbib, Benzaghou (berbère Masmouda), Zaâmoucha, (la finale moucha rappelle Moussa) Zaâmoum, Zaghrani, Sakrani, Bouzeghrane, Zerouali, Zaghidour, Zeggar, Zaccari (djebel Zeccar) Zouccal, Zerari, Zighi, Zeghbouche Zaghouane, Zaghloul (Djaghloul dans le parler zénète), Zeggaï, Izghen, Zeghni, Segni, Rezzag, Rezzoug, Rzighi etc. Les patronymes berbères ont conservé la nomination des origines tribales fondatrices répertoriées par Ibn Khaldoun : Zemmouri et Meskouri, Soumati, Merniz, Oulhaci sont des familles des N'fousa. Fetani, Mediouna, Maghili se rattachent au même ancêtre éponyme, Faten fils de Tamzit, selon Ibn Khaldoun. Mais il est fort probable que tamzit serait une contraction de tamazight. Les Semghouni, Zenati, Zouaoui, Meknassa, Foughali ont la même filiation berr. Dans la chaîne des Bernis, on retrouve les Canhadja, les Arouaba, les Djazouli, Ghoumari, Masmouda. Les noms écorchés A partir de 1871, l'administration coloniale a systématisé le registre de l'état civil. Ce travail correspond à la phase active de la colonisation avec l'arrivée des civils réfugiés d'Alsace et de Lorraine. C'était aussi le début des troubles en France avec la commune de Paris, les révoltes des Hananchas et le soulèvement dans les Babors à l'appel d'El Mokrani. Les années 1870 seront celles de la plus terrible famine qu'a connue l'Algérie avec une mortalité estimée à deux tiers de la population. Ce recensement avait donc pour objet d'organiser l'expropriation des terres «évacuées» de force par les Algériens. Il faut reconnaître que les erreurs de transcription n'ont pas été nombreuses.. Bien qu'ils soient rares, ces noms méritent une réhabilitation. Ainsi, Dzanouni est une transcription hasardeuse de Sahnouni qui désigne l'adepte de Sidi Sahnoun, Imam du Xe siècle. Il a été à l'origine de l'enracinement au Maghreb de la doctrine malékite. C'est à cet Imam que El Hadj M'hammed El Anka consacre sa fameuse pièce Sidi Sahnoun. Les confréries et les tribus Les nombreuses confréries religieuses ont été facteur de cohésion sociale à des moments précis de l'histoire. C'est ainsi que la Kadiriya, Chadiliya, Rahmaniya, Ammariya, Aïssaouiya, Hansalya ont donné Kadri, Chadli, Rahmani, Lammari, Aïssaoui, Hansali. Nous recensons aussi une multitude de noms qui font référence à une tribu de rattachement, Nemmemcha, Hrakta, Frarha, Dharissa, Zenata, Djeraoua. C'est pourquoi on retrouve dans la liste des patronymes les Nemchi, Harkati, Ferrah, Deriassa. Souibes est une déformation de Thabet (tribu des Kotama installée sur les hauteurs de Dellys). Dahou est une abréviation de Dahmane, dérivé de Abderrahmane. Les Dahou se rattachent à l'autorité spirituelle de Sidi Dahou Ben Dherfa dans les Beni Chougrane. On relève parfois des noms énigmatiques comme le cas de Baouya. Il s'agit de deux initiales «El Ba Ouel Ya», autrement dit «B.Y. » qui pourrait être «Ben Yamina» ou Ben Yagoub. Le mystère reste entier. Débarquement français à Jijel Le 21 juillet 1664, sous le règne de Louis XIV, une flotte française commandée par le duc de Beaufort débarque à Jijel en vue d'une implantation en concurrence avec les Espagnols qui occupent Oran. L'aventure tourne mal pour les marins français affaiblis par les fièvres, la malaria et les attaques incessantes des montagnards. Le 1er novembre de la même année, le corps expéditionnaire français est forcé de quitter la ville sous un déluge de feux de l'artillerie turque. La marine française abandonne sur les rivages des blessés, des malades et une quantité considérable de matériel de guerre. Ils étaient normands, picards, bretons, anglais, hollandais et maltais. Ils ont été adoptés en raison de leur savoir technique : charpentier, bourrelier, spécialiste des cordages, de la navigation. Soignés et nourris, ils passeront chez le coiffeur pour le rituel de la circoncision et s'intègrent dans la population. Leurs descendants se reconnaissent à leur type européen prononcé et leurs patronymes plus ou moins berbérisés ou arabisés. L'événement a eu des effets durables sur la génétique mais aussi sur les noms propres : Dupres, Oudin, Belle-Gueule, Beaufort, Bourbon qu'on devine, aujourd'hui, sous des patronymes parfaitement algérianisés.
Rachid Lourdjane
El Watan 29/03/2005